dimanche 17 avril 2011

Quand une musique enjolive un vilain dimanche..

On connait tous cette réplique autour du dimanche, source de morosité, de mélancolie ou du sentiment incontrôlable d’un malaise qui pèse comme au dessus nous. 
Ca me fait vivement penser à un spleen de Baudelaire :

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle


Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

Crédits : Jeremy Dewez

Appelé vulgairement « le blues du dimanche », visiblement seul et uniquement moyen assez niais proposé pour qualifier ce sentiment, j’ai personnellement cru, jusqu’à mon adolescence, que j’étais la seule à vivre ce genre d'épisode.

J’ai nécessairement pensé à faire des corrélations, essayé d’en chercher l’origine, tenté de voir si la conscience permettait d’alléger ce sentiment - même si cet article n'a pas la prétention d'amener une quelconque réponse, je parle seulement de mon propre questionnement et de ce constat. 

Je crois qu’en grandissant, ça s’apaise et on relativise. Le sentiment persiste et il persistera toute une vie, car les dimanches sont infinis mais que finalement, on y trouve du beau dans tout ça. En tout cas, personnellement, j’y trouve du beau car c’est tout simplement humain de désapprécié la vision d’une fin et d’appréhender un renouveau. Que dans ce type de réalité, ce qu’il y a de bon à constater, c’est de réaliser de la vulnérabilité des êtres que nous sommes et des fluctuations que génèrent notre vision du temps ; le rapport au passé, au présent, au futur, à ce que Heidegger appelait l’ekstase. C’est l’être dans le monde, l’expression du Dasein.

Crédits : Chet Baker - The thrill is gone


mercredi 13 avril 2011

Je suis le prochain de mon prochain

Le climat actuel de ma vie m’invite à me poser de nombreuses questions.
Des questionnements sur moi, mais aussi sur autrui. Sur moi, par rapport à autrui, et autrui par rapport à moi. Sur ma place dans l’espèce et la place que j’accorde à l’autre à notre espèce. A tout cet espace dont nous disposons et toute cette matérialité malléable dont nous avons accès, soit à tout ce que la nature et la technicité de notre genre nous permet de faire et d’aboutir.

J’ai longtemps eu cette question du quietisme, concept que j’ai retrouvé en philosophie  – pour le moment, uniquement chez Sartre, dans tout son Œuvre existentialiste – comme étant cette tendance à anéantir toute la portée d’un acte que nous pourrions commettre au profit d’une action collective qui aurait un impact universel. C'est une façon de minimiser la considération de cet acte et de son incidence dans le monde.

Le sens littéral et doctrinal (concept non sartrien) veut que ce soit une « Doctrine de quelques théologiens mystiques dont le principe est qu'il faut s'anéantir soi-même pour s'unir à Dieu, se tenir dans un état de contemplation passive, et regarder comme indifférent tout ce qui peut nous arriver dans cet état  »
Mais non sans loin de cette doctrine initial, l’idée existentialiste veut ici anéantir le plus grand fléau du genre, la passivité de l’homme dans l’action. Dans sa propre action, mais aussi comme action inscrite dans la chaîne causale des effets de notre monde – de par les besoins de la collectivité, à savoir agir dans le bien de l’intérêt général.
Ici, c’est la sage volonté de croire en ce que notre unique et singulière action est un bien universel et que sa portée est réellement efficiente. Lire ici Sartre disant : « Le quiétisme, c'est l'attitude des gens qui disent : les autres peuvent faire ce que je ne peux pas faire »

Je ne me souviens plus de l’exemple de Sartre – quoique ses exemples ait toujours été très pertinents et irréprochables, un homme toujours très pragmatique – mais je pourrais le formuler de la façon suivante :

Supposons le cas du don du sang, nécessitant des contributions et dons nationaux pour alors subvenir à des besoins, des soins quand des transfusions ou autre sont nécessaires. Dans la volonté de cette action, il est évidemment demandé que sur la base du volontariat, les personnes désirent délibérément donner une contribution.
Souvent les personnes empathiques ou se sentant concernées agissent mais dans le cas échéant où l’implication ou le vécu est minime, la personne considérera que sa donation n’a pas réellement d’incidence étant donné que tant d’autres personnes agissent. Or, si cette tendance à pensée de la sorte était générale, croyez bien que l’action de façon collective serait – non pas anéantie dans ce cas précis - mais ralentie ou altérée.

Ce concept du quietisme m’a longtemps trotté à l’esprit et m’a souvent poussé à agir en considérant que petit individu que je suis dans le monde, j’avais cette voix qui faisait la différence si tout le monde le pensait comme moi – comme dans le rapport au vote, par exemple. C’est une façon de sortir de l’individualisme et d’en trouver les bienfaits ailleurs.

Tout comme, à titre d’autre exemple, le suivant :

Si seulement cette personne qui passait derrière moi m’avait prévenu que je venais de perdre mon portefeuille, je ne serai pas dans l’embarras de devoir procéder à nouveau aux démarches administratives contraignantes. Or si, dans l’hypothèse j’avais été ce fameux passant remarquant la perte du portefeuille de la demoiselle et que je lui avais signalé, je ne serai pas en train de subir, moi personne ayant perdu le portefeuille, les conséquences de la malveillance ou négligence d’une personne.
Ce serait donc la capacité de se transférer à la place de l’autre dans une action, afin de réaliser (comprendre ici « prendre conscience ») des bienfaits de notre action et de ses répercussions. Et si cette action se répand, elle génère des comportements positifs.
Nous sommes dans le schéma type de l'éthique de réciprocité, règle morale fondatrice d'une certaine harmonie et pacificité universelle.

C’est donc accorder à soi, comme à l’autre un crédit essentiel à son action et c’est ainsi une manière de reconsidérer la masse, ce rapport à la collectivité qui est véritablement constituée de l’unicité de chacune de nos âmes et consciences qui s'auto-soutiennent.


Crédits : R.E.M - Loosing my religion